POUR UN OBSERVATOIRE PSYCHOLOGIQUE DE LA VIE POLITIQUE.

J.M. septembre 2001

Ce texte ne prétend pas présenter une analyse affinée. Il est écrit rapidement pour exprimer un souhait.

Idée : les citoyens devraient se doter d'un "observatoire psychologique de la vie politique". Par exemple, à l'échelle d'une nation, ou d'une collectivité territoriale ; ou à l'intérieur d'un parti ou d'une association.

Il y a des pervers en politique, des gens qui jouissent de manipuler les autres, de mentir par exemple, et en général de croire que leur moi est au-dessus des lois morales (exemples connus : Milosevic, Mitterrand). Il y a des gens qui ont besoin de l'action politique, et surtout du pouvoir, pour rassurer leur narcissisme. Il y a des militants qui ont besoin de l'action pour apaiser leur sentiment de culpabilité. Il arrive qu'une masse de névrosés soient manipulés par un pervers. Il y a dans la vie politique des moments où la haine se projette et se cristallise sur un groupe. Il y a des institutions politiques qui sont complètement fondées sur cette cristallisation de la haine. Il y a des moments où la haine des militants se cristallise contre un leader (on "brûle ce qu'on avait adoré"), ou contre un sous-groupe du mouvement. Il y a des préjugés contre les femmes. Il y a des mécanismes d'exclusion de ceux qui n'ont pas les habitus et la culture du groupe, en particulier les nouveaux venus, les jeunes, les membres des classes dominées ; et ceux qui entretiennent ces mécanismes d'exclusion n'en sont souvent pas conscients. La plupart des gens aiment se retrouver et se congratuler mutuellement entre semblables. Il y a du masochisme et du sadisme dans le refus de simplifier les procédures. Il y a tous les fantasmes que l'on investit dans le groupe en tant que tel. Il y a parfois des dirigeants qui préfèrent détruire une oeuvre commune plutôt que d'en perdre le contrôle, comme un enfant qui préfère casser son jouet que d'avoir à le partager. Il y a des croyances réfutées mais dont on ne veut pas faire le deuil. On n'a jamais complètement appris à renoncer à ses désirs. Ou à ne pas renoncer à des désirs vraiment intéressants. Etc., etc.

La compétition pour des postes de pouvoir sélectionne certaines personnalités. Ceux qui aiment passer leur temps à des intrigues et à de la représentation ont un avantage compétitif sur ceux qui n'aiment pas, ou qui ont du mal à le supporter, ou qui ont d'autres priorités dans la vie.

Cela dit, les problèmes politiques ne s'expliquent pas par la psychopathologie. Par exemple, il n'y a pas à chercher quels troubles mentaux expliqueraient l'apathie politique des citoyens, elle s'explique suffisamment par la logique de l'action rationnelle dans une situation institutionnelle plus ou moins bloquée. Les rapports de pouvoir ont leur propre logique, qui génère des effets spécifiques. Si par exemple un dirigeant tient un discours paranoïaque, ce n'est pas forcément parce qu'il est paranoïaque (s'il l'était vraiment il n'aurait pas eu assez de sens tactique pour conquérir un poste de dirigeant), mais c'est plutôt parce qu'il a besoin de tenir ce discours pour manipuler les autres, pour imposer une certaine représentation des événements, pour garder son pouvoir. Mais la psychologie peut aider à révéler ce qui ne va pas, à prendre conscience de ce qui devrait aller mieux, à comprendre la genèse des événements.

C'est pourquoi je souhaiterais que les citoyens, les militants, constituent des observatoires, des réseaux qui regroupent et transmettent les observations et les analyses sur les aspects psychologiques de la vie politique.

On peut s'inspirer des groupes d'intervention sociopsychanalytique constitués autour de Gérard Mendel qui ont (mais je ne les connais que par leurs écrits) une méthodologie pour distinguer (en disant les choses rapidement) ce qui relève de l'inconscient et ce qui relève de la logique objective des institutions.